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L’université, pour quoi faire ?

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Je poursuis ici ma lecture du livre de S. Orange et R. Bodin, intitulé « L’Université n’est pas en crise », sur la réalité de la formation universitaire. Dans le billet précédent, je parlais de la question de la sélection dans l’enseignement supérieur. Les exemples et les études cités par les auteurs étaient assez clairs : cette sélection n’a pour autre finalité que d’assurer une bonne reproduction sociale. Ces filières, qu’elles soient courtes et peu prestigieuses (Ecole d’éducateurs spécialisés, BTS…) ou qu’elles soient socialement très valorisées (Ecoles d’ingénieur, de commerce …), sélectionnent avant tout les étudiants les plus « adaptés » à leur « état d’esprit », ce qui conduit inévitablement au maintien des jeunes dans les catégories socio-professionnelles de leur milieu.

La première partie de ce livre qui porte sur la sélection est plus riche que cela, et montre en particulier que LA filière non sélective, l’université, réunit des étudiants de tous niveaux et de toute catégorie sociale. Que la non-sélection à l’entrée des études supérieures est déjà un outil pour lutter contre la reproduction des classes sociales et des élites en particulier.

La seconde partie de l’ouvrage est tout aussi passionnante, et s’intitule « l’université, pour quoi faire ? »

J’avoue que j’adore la citation qui ouvre ce chapitre :

Dès la seconde, les jeunes doivent savoir que des filières, comme l’histoire, la sociologie ou la psychologie connaissent des difficultés d’insertion. Ils doivent être prévenus.     G. Fioraso, lefigaro.fr 20/03/2013

Comme ça, on est prévenu. Et pourtant…

Quand on parle de l’université, on conserve l’image des étudiants qui s’y rendent parce qu’ils n’ont pas de projets, et qui y échouent dès les premières années. Quand on parle de l’université, on pense aux filières de sociologie, philosophie,… qui sont aux yeux de chacun des voies de garage. On voit en elle plus l’exception, les quelques bacheliers paumés qui n’ont pas eu le temps de faire des voeux cohérents, ou qui n’ont pas été pris dans les IUT, BTS, Classes Prépas, écoles… On voit en elle aussi en elle une voie sans issue, à part la précarité sociale… Les auteurs, patiemment, démontent ces préjugés.

L’université, c’est pour ceux qui ne savent pas quoi faire

En fait, c’est plutôt l’inverse ! Les sociologues ont montré que les étudiants à l’université ont souvent une meilleure idée de leur projet professionnel en arrivant en L1, que dans quasiment toutes les autres filières, y compris les filières courtes de type IUT ou BTS !

Les auteurs vont même un peu plus loin, témoignages à l’appui :

Finalement, on serait tenté de dire que l’orientation à l’Université constitue une orientation d’autant plus souhaitée qu’elle a du, pour se réaliser et se conforter, braver certains préjugés et certaines incompréhensions.

L’université, c’est une usine à chômeurs…

Alors que les IUT, BTS, écoles d’ingénieur et de commerce sont connus pour déboucher sur l’emploi, l’université est depuis, depuis… longtemps présenté comme une « fabrique à chômeurs ». Encore une fois, ce préjugé est contredit par les chiffres présentés par les auteurs. L’analyse quantitative du taux d’emploi et du taux de chômage entre les différentes filières montrent que les étudiants à l’université ne se transforment pas massivement en chômeurs.

En fait, que cela soit pour les filières courtes ou plus longue, c’est le diplôme, c’est-à-dire le niveau d’étude qui est un protecteur contre le chômage. Les titulaires d’un L3 n’affichent pas plus de chômage qu’un BTS ou IUT ! Et de la même manière, les M2 connaissent très peu le chômage, et certaines filières (M2 en math ou physique) ne connaissent pas plus de chômage que les écoles d’ingénieur ou les écoles de commerce !

Je laisse la parole aux auteurs pour conclure cette partie :

Parler de l’Université comme d’une « usine à chômeurs » paraît donc pour le moins surprenant. Continuer ainsi à juger l’avenir de ses étudiants, et ce, contre les faits, tient par conséquent plus du discours idéologique que du constat empirique. C’est implicitement glisser d’un jugement de la valeur des diplômes universitaires sur le marché du travail à un jugement de la valeur et des valeurs de ceux qui les détiennent. (…) L’Université constitue, en effet, au sein de l’espace du supérieur, un lieu tout à fait singulier et qui s’oppose, à double titre, aux fractions les plus favorisées et les plus conservatrices de notre société. D’une part, (…) il s’agit d’un espace ouvert qui rend plus fréquente qu’ailleurs (…) la mixité et l’ascension sociale. D’autre part, c’est aussi le lieu où se concentre le pôle le plus intellectuel des classes dominantes, c’est-à-dire celui auquel tendent à s’opposer structurellement les autres factions plus proches du pôle du pouvoir économique.

Pour plus de précisions, (et de chiffres ! ) vous pouvez aller lire le billet jumeau sur mon blog.

Ah, au fait, j’ai déjà le titre du prochain épisode : « Hey, Teachers, leave them kids alone ! « , ou le naufrage de l’orientation post-bac…

 

« L’université n’est pas en crise » R. Bodin, S. Orange . Edition du croquant. A Commander chez votre petit libraire, qui ne vous fera pas payer de frais de port et dont les délais ne dépasseront pas une semaine



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